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Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/273

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DES INSTITUTIONS POLITIQUES. 247

Supposons qu’après de longs et pénibles efforts un peu- ple soit venu à bout de ses projets à cet égard, qu’il ait ruiné tous ses voisins et accumulé à lui seul autant d’or ^ d’argent qu’il y en a dans tout le reste du monde, et voyons ce qui résultera de cette prospérité publique pour la félicité particulière des citoyens :

l"" Si ces richesses sont également distribuées, il est cer- tain qu*elles ne sauraient demeurer dans cet état d’égalité ou qu’elles seront comme non existantes pour ceux qui les possèdent, parce que dans tout ce <]ui est au delà du nécessaire immédiat, ce n’est qu’en raison des différences que les avantages de la fortune se font sentir.

De sorte que si, dans cette supposition, tous ces trésors se trouvaient anéantis en une seule nuit sans que les denrées et autres marchandises eussent souffert aucune altération, cette perte ne serait sensible à personne, et à peine s’en apercevrait-on le lendemain.

Mais ce serait trop abuser du temps que de s’arrêter sur une supposition aussi chimérique que celle de l’égale distribution des richesses. Cette égalité ne peut s’admettre même hypothétiquement, parce qu’elle n’est pas dans la nature des choses, et je crois qu’il n’y a point de lecteur sensé qui n’ait en lui-même prévenu cette réflexion.

Dès rinstant que l’usage de l’or a été connu des hom- mes, ils se sont tous efforcés d*en amasser beaucoup, et les succès ont dû naturellement répondre aux divers degrés d’industrie et d’avidité des concurrents, c’est-à-dire être fort inégaux. Cette première inégalité, jointe à l’avarice et aux talents qui l’avaient produite, a dû encore augmenter par sa propre force ; car ce qui montre une des extrava- gances des sociétés établies, c’est que la difficulté d’ac-