Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/417

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LETTRES INÉDITES. 591

Tappareil des supplices, je n’ôterais pas un mot de ce dis- cours.

Je n’entrerai point dans le détail des motifs qui ont dé- terminé M. de Malesherbes à ordonner ces retranchements. Ces motifs, étant tirés de principes que je n’adopte point, n’ont aucune autorité pour moi. — Je n’imaginais point qu’un roman genevois dût être approuvé en Sorbonne ; et, comme je n’ai point désiré qu’il fût imprimé en France, rien ne m’obligea souscrire aux conditions sans lesquelles il n’y peut être imprimé. Je remarquerai seulement que ces retranchements sont faits avec une telle rigueur, qu’il ne reste rien dans tout le livre en fait de doctrine que le plus superstitieux catholique ne pût avouer. Il s’en faut bien que les ix)mans de l’abbé Prévost, surtout le Cleve- /awd, soient traités avec tant de sévérité. Or il me parait assez bizarre qu’un prêtre catholique puisse, dans ses ro- mans^ faire parler des protestants selon leurs idées, plus librement qu’un protestant dans les siens.

M. de Malesherbes m’élève des scrupules sur les senti- ments de Julie et de Saint-Preux, qu’il n’a point élevés sur les miens propres dans mon discours de l’inégalité, ni même dans ma lettre à M. d* Alembert, dont les dix ou douze premières pages contiennent sans détour, directement et sous mon nom, des sentiments au moins aussi hardis et aussi durement énoncés ; au lieu que, dans le roman, ceux contestés entre les interlocuteurs ne peuvent être imputés avec certitude, ni à moi, ni à personne.

J’ai pensé aux changements proposés, et j’ai vu que je ne pouvais rien substituer aux choses retranchées sans changer aussi l’objet du livf e et le gâter, ce que je ne veux pas faire. Si je ne voulais qu’adoucir ces mêmes choses, je