Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/242

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pouvoir suprême. Tant que les sujets ne sont soumis qu’à de telles conventions, ils n’obéissent à personne, mais seulement à leur propre volonté ; & demander jusqu’où s’étendent les droits respectifs du Souverain & des Citoyens, c’est demander jusqu’à quel point ceux-ci peuvent s’engager avec eux-mêmes, chacun envers tous, & tous envers chacun d’eux.

On voit par-là que le pouvoir Souverain, tout absolu, tout sacré, tout inviolable qu’il est, ne passe ni ne peut passer les bornes des conventions générales, & que tout homme peut disposer pleinement de ce qui lui a été laissé de ses biens & de sa liberté par ces conventions ; de sorte que le Souverain n’est jamais en droit de charger un sujet plus qu’un autre, parce qu’alors, l’affaire devenant particuliere, son pouvoir n’est plus compétent.

Ces distinctions une fois admises, il est si faux que dans le contract social il y ait de la part des particuliers aucune renonciation véritable, que leur situation, par l’effet de ce contract se trouve réellement préférable à ce qu’elle étoit auparavant, & qu’au lieu d’une aliénation, ils n’ont fait qu’un échange avantageux d’une maniere d’être incertaine & précaire contre une autre meilleure & plus sûre, de l’indépendance naturelle contre la liberté, du pouvoir de nuire à autrui contre leur propre sureté, & de leur force que d’autres pouvoient surmonter contre un droit que l’union sociale rend invincible. Leur vie même qu’ils ont dévouée à l’État en est continuellement protégée, & lorsqu’ils l’exposent pour sa défense, que font-ils alors que lui rendre ce qu’ils ont reçu