Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/243

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de lui ? Que font-ils qu’ils ne fissent plus fréquemment & avec plus de danger dans l’état de nature, lorsque livrant des combats inévitables, ils défendroient au péril de leur vie ce qui leur sert à la conserver ? Tous ont à combattre au besoin pour la patrie, il est vrai ; mais aussi nul n’a jamais à combattre pour soi. Ne gagne-t-on pas encore à courir pour ce qui fait notre sureté une partie des risques qu’il faudroit courir pour nous-mêmes sitôt qu’elle nous seroit ôtée ?


CHAPITRE V.

Du droit de vie & de mort.


On demande comment les particuliers n’ayant point droit de disposer de leur propre vie peuvent transmettre au Souverain ce même droit qu’ils n’ont pas ? Cette question ne paroit difficile à résoudre que parce qu’elle est mal posée. Tout homme a droit de risquer sa propre vie pour la conserver. A-t-on jamais dit que celui qui se jette par une fenêtre pour échapper à un incendie, soit coupable de suicide ? A-t-on même jamais imputé ce crime à celui qui périt dans une tempête dont en s’embarquant il n’ignoroit pas le danger ?

Le traité social a pour fin la conservation des contractans. Qui veut la fin veut aussi les moyens, & ces moyens sont inséparables de quelques risques, même de quelques