Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/455

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bien rempli celui-là. Gardez-vous sur-tout de faire un métier de l’état de pédagogue. Tout homme public en Pologne ne doit avoir d’autre état permanent que celui de citoyen. Tous les postes qu’il remplit & sur-tout ceux qui sont importans comme celui-ci ne doivent être considérés que comme des places d’épreuve & des degrés pour monter plus haut après l’avoir mérité. J’exhorte les Polonois à faire attention à cette maxime, sur laquelle j’insisterai souvent : je la crois la clef d’un grand ressort dans l’Etat. On verra ci-après comment on peut à mon avis la rendre praticable sans exception.

Je n’aime point ces distinctions de colleges & d’académies qui font que la noblesse riche & la noblesse pauvre sont élevées différemment & séparément. Tous étant égaux par la constitution de l’Etat doivent être élevés ensemble & de la même manière, & si l’on ne peut établir une éducation publique tout-à-fait gratuite, il faut du moins la mettre à un prix que les pauvres puissent payer. Ne pourroit-on pas fonder dans chaque college un certain nombre de places purement gratuites, c’est-à-dire aux frais de l’Etat, & qu’on appelle en France des Bourses ? Ces places données aux enfans des pauvres gentilshommes qui auroient bien mérité de la patrie, non comme une aumône, mais comme une récompense des bons services des pères, deviendroient à ce titre honorables, & pourroient produire un double avantage qui ne seroit pas à négliger. Il faudroit pour cela que la nomination n’en fût pas arbitraire mais se fit par une espece de jugement dont je parlerai ci-après. Ceux qui rempliroient ces places seroient appelés enfans de l’Etat & distingués par quelque marque