Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t10.djvu/165

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peu important en lui-même, mais qui a eu pour moi des suites & qui a fait du bruit dans le monde quand je l’avois oublié. Toutes les semaines j’avois une fois la permission de sortir, je n’ai pas besoin de dire quel usage j’en faisais. Un dimanche que j’étois chez Maman, le feu prit à un bâtiment des Cordeliers attenant à la maison qu’elle occupoit. Ce bâtiment où étoit leur four étoit plein jusqu’au comble de fascines seches. Tout fut embrasé en très-peu de tems. La maison étoit en grand péril & couverte par les flammes que le vent y portoit. On se mit en devoir de déménager en hâte & de porter les meubles dans le jardin, qui étoit vis-à-vis mes anciennes fenêtres & au-delà du ruisseau dont j’ai parlé. J’étois si troublé que je jettois indifféremment par la fenêtre tout ce qui me tomboit sous la main, jusqu’à un gros mortier de pierre qu’en tout autre tems j’aurois eu peine à soulever : j’étois prêt à y jetter de même une grande glace, si quelqu’un ne m’eût retenu. Le bon Evêque qui étoit venu voir Maman ce jour-là ne resta pas, non plus, oisif. Il l’emmena dans le jardin où il se mit en prieres avec elle & tous ceux qui étoient là, en sorte qu’arrivant quelque tems après je vis tout le monde à genoux & m’y mis comme les autres. Durant la priere du saint homme le vent changea, mais si brusquement & si à propos que les flammes qui couvroient la maison & entroient déjà par les fenêtres furent portées de l’autre côté de la cour & la maison n’eut aucun mal. Deux ans après, M. de Bernex étant mort, les Antonins, ses anciens confreres commencerent à recueillir les pieces qui pouvoient servir à sa béatification. À la priere du

P. Boudet je joignis à