Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t10.djvu/375

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sur-tout qu’en général apprendre la musique n’étoit pour personne chose aisée. En examinant la constitution des signes je les trouvois souvent fort mal inventés. Il y avoit long-tans que j’avois pensé à noter l’échelle par chiffres pour éviter d’avoir toujours à tracer des lignes & portées lorsqu’il falloit noter le moindre petit air. J’avois été arrêté par les difficultés des octaves & par celles de la mesure & des valeurs. Cette ancienne idée me revint dans l’esprit & je vis, en y repensant, que ces difficultés n’étoient pas insurmontables. J’y rêvai avec succès & je parvins à noter quelque musique que ce fût par mes chiffres avec la plus grande exactitude & je puis dire avec la plus grande simplicité. Dès ce moment je crus ma fortune faite, & dans l’ardeur de la partager avec celle à qui je devois tout, je ne songeai qu’à partir pour Paris, ne doutant pas qu’en présentant mon projet à l’Académie je ne fisse une révolution. J’avois rapporté de Lyon quelque argent ; je vendis mes livres. En quinze jours ma résolution fut prise & exécutée. Enfin plein des idées magnifiques qui me l’avoient inspirée & toujours le même dans tous les tans, je partis de Savoie avec mon systême de musique, comme autrefois j’étois parti de Turin avec ma fontaine de Héron.

Telles ont été les erreurs & les fautes de ma jeunesse. J’en ai narré l’histoire avec une fidélité dont mon cœur est content. Si dans la suite j’honorai mon âge mûr de quelques vertus, je les aurois dites avec la même franchise & c’étoit mon dessein. Mais il faut m’arrêter ici. Le tans peut lever