Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/132

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prouvera que c’est lui qui a bien vu. Le même objet regarde en differens tems avec des yeux différemment affectes nous fait des impressions très-différentes, & même en convenant que l’erreur vient de notre organe on peut s’abuser encore en concluant qu’on se trompoit autrefois tandis que c’est peut-être aujourd’hui qu’on se trompé. Tout ceci seroit vrai quand on n’auroit que l’erreur des préjugés à craindre. Que seroit-ce si le prestige des passions s’y joignoit encore ? si de charitables interpretes toujours alertes alloient sans cessé au-devant de toutes les idées favorables qu’on pourroit tirer de ses près propres observations pour tout défigurer tout noircir tout empoisonner ? On fait à quel point la haine fascine les yeux. Qui est-ce qui sait voir des vertus dans l’objet de son aversion, qui est-ce qui ne voit pas le mal dans tout ce qui part d’un homme odieux ? On cherche toujours à se justifier ses propres sentimens ; c’est encore une disposition très-naturelle. On s’efforce à trouver haïssable ce qu’on hait, & s’il est vrai que l’homme prévenu voit ce qu’il croit, il l’est bien plus encore que l’homme passionne voit ce qu’il désire. La différence est donc ici que voyant jadis J. J. sans intérêt on le jugeoit sans partialité, & qu’aujourd’hui la prévention & la haine ne permettent plus de voir en lui que ce qu’on veut y trouver. Auxquels donc, à votre avis, des anciens ou des nouveaux jugemens le préjugé de la raison doit-il donner plus d’autorité ?

S’il est impossible, comme le crois vous l’avoir prouve que la connoissance certaine de la vérité & beaucoup moins l’évidence résulte de la méthode qu’on a prise pour juger J. J. ; si l’on a évite à dessein les vrais moyens de porter sûr son compte