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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/133

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un jugement impartial infaillible éclaire, il s’ensuit que sa condamnation si hautement si fièrement prononcée est non-seulement arrogante & téméraire, mais violemment suspecte de la plus noire iniquité ; d’ou je conclus que n’ayant nul droit de le juger clandestinement comme on a fait, on n’a pas non plus celui de lui faire grace, puisque la grace d’un criminel n’est que l’exemption d’une peine encourue & juridiquement infligée. Ainsi la clémence dont vos Messieurs se vantent à son égard, quand même ils useroient envers lui d’une bienfaisance réelle, est trompeuse & fausse, & quand ils comptent pour un bienfait le mal mérite dont ils disent exempter sa personne ils en imposent & mentent, puisqu’ils ne l’ont convaincu d’aucun acte punissable, qu’un innocent ne méritant aucun châtiment n’a pas besoin de grace & qu’un pareil mot n’est qu’un outrage pour lui. Ils sont donc doublement injustes, en ce qu’ils se sont un mérite envers lui d’une générosité qu’ils n’ont point, & en ce qu’ils ne feignent d’épargner sa personne qu’afin d’outrager impunément son honneur.

Venons pour le sentir à cette grace sûr laquelle vous insistez si fort, & voyons en quoi donc elle consiste. À traîner celui qui la reçoit d’opprobre en opprobre & de misère en misère sans lui laisser aucun moyen possible de s’en garantir. Connoissez-vous pour un cœur d’homme de peine aussi cruelle qu’une pareille grace ? Je rapporte au tableau trace par vous-même. Quoi ! c’est par bonté par commisération par bien-veillance qu’on rend cet infortuné le jouet du public, la risée de la canaille, l’horreur de l’univers, qu’on le prive de toute société humaine, qu’on l’étouffe à plaisir dans la fange, qu’on