de lui. Ceux qui l’épient de leur propre mouvement, mus par leur passion ne verront jamais que ce qui la flatte ; aucun ne vient pour voir ce qu’il voit, mais pour l’interpréter à sa mode. Le blanc & le noir, le pour & le contre leur servent également. Donne-t-il l’aumône ? Ah le caffard ! la refuse-t-il ? Voila cet homme si charitable ! S’il s’enflamme en parlant de la vertu, c’est un tartuffe ; s’il s’anime en parlant de l’amour, c’est un satyre : s’il lit la gazette,*
[*À la grande satisfaction de mes très-inquiets patrons, je renonce à cette triste lecture devenue indifférente à un homme qu’on a rendu tout-a-fait étranger sur la terre. Je n’y ai plus ni patrie ni freres, habitée par des êtres qui ne me sont rien, elle est pour moi comme une autre sphère, & je suis aussi peu curieux désormais d’apprendre ce qui se fait dans le monde, que ce qui se passe à Bicêtre ou aux petites maisons. ] il médite une conspiration ; s’il cueille une rose, on cherche quel poison la rose contient. Trouvez à un homme ainsi vu quelque propos qui soit innocent, quelque action qui ne soit pas un crime, je vous en défie.
Si l’administration publique elle-même eut été moins prévenue ou de bonne soi, la constante uniformité de sa vie égale & simple l’eut bientôt désabusée ; elle auroit compris qu’elle ne verroit jamais que les mêmes choses, & que c’étoit bien perdre son argent son tems & ses peines que d’espionner un homme qui vivoit ainsi. Mais comme ce n’est pas la vérité qu’on cherche, qu’on ne veut que noircir la victime, & qu’au lieu d’étudier son caractere on ne veut que le diffamer, peu importe qu’il se conduite bien ou mal, & qu’il soit innocent ou coupable. Tout ce qui importe est d’être assez au fait de sa conduite pour avoir des points fixes sur lesquels on puisse