Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/391

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Pour moi, quand même j’ignorerois que depuis douze ans il a quitte la plume, un coup-d’œil sur les écrits qu’ils lui prêtent me suffiroit pour sentir qu’ils ne sauroient être de l’auteur des autres : non que je me croye un juge infaillible en matiere de style ; je sais que sort peu de gens le sort, & j’ignore jusqu’à quel point un auteur adroit peut imiter le style d’un autre, comme Boileau a imite Voiture & Balzac. Mais c’est sur les choses mêmes que je crois ne pouvoir être trompe. J’ai trouve les écrits de J. J. pleins d’affections d’ame qui ont pénétré la mienne. J’y ai trouve des manieres de sentir & de voir qui le distinguent aisément de tous les écrivains de son tems & de la plupart de ceux qui l’ont précédé : c’est, comme vous le diriez, un habitant d’une autre sphère ou rien ne ressemble à celle-ci. Son système peut être faux ; mais en le développant il s’est peint lui-même au vrai d’une façon si caractéristique & si sure qu’il m’est impossible de m’y tromper. Je ne suis pas à la seconde page de ses sots ou malins imitateurs que je sens la lingerie,*

[* Voyez, par exemple, la philosophie de la nature qu’on a brûlée au Châtelet. Livre exécrable & couteau à deux tranchans fait tout exprès pour me l’attribuer, du moins en province & chez l’étranger, pour agir en conséquence, & propager à mes dépens la doctrine de ces Messieurs sous le marque de la mienne. Je n’ai point vu ce livre & j’espere ne le verrai jamais, mais j’ai lu tout cela dans le réquisitoire trop clairement pour pouvoir m’y tromper, & je suis certain qu’il ne peut y avoir aucune vraie ressemblance entre ce livre & les miens, parce qu’il n’y en a aucune entre les ames qui les ont dictes. Notez que depuis qu’on a su que j’avois vu ce réquisitoire, on a pris de nouvelles mesures pour qu’il ne me parvint rien de pareil à l’avenir.] & combien, croyant dire comme lui, ils sont loin de sentir & penser