Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/54

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Le François.

Vraiment, vous avez la de jolies idées !

Rousseau.

Ah ne me faites pas honneur de votre bien ! Ces idées vous appartiennent ; elles sont l’effet naturel de tout ce que vous m’avez appris. Au reste, & quoiqu’il en soit du véritable Auteur de la piece, il me suffit que celui qui s’est dit l’être soit par son ignorance & son incapacité hors d’état de l’avoir faite, pour que j’en conclue à plus sorte raison qu’il n’a fait ni le Dictionnaire qu’il s’attribue aussi, ni la lettre sûr la Musique Françoise, ni aucun des autres livres qui portent son nom & dans lesquels il est impossible de ne pas sentir qu’ils partent tous de la même main. D’ailleurs, concevez-vous qu’un homme doue d’allez de talens pour faire de pareils ouvrages, aille au sort même de son effervescence piller & s’attribuer ceux d’autrui dans un genre qui non-seulement n’est pas le sien, mais auquel il n’entend absolument rien ; qu’un homme qui, selon vous, eût assez de courage d’orgueil de fierté de forcé pour résister à la démangeaison d’écrire si naturelle aux jeunes gens qui se sentent quelque talent, pour laisser meurir vingt ans sa tète dans le silence, afin de donner plus de profondeur & de poids à ses productions long-tems méditées, que ce même homme, l’ame toute remplie de ses grandes & sublimes vues aille en interrompre le développement, pour chercher par des manœuvres aussi lâches que pueriles une réputation usurpée & très-inférieure à celle qu’il peut obtenir légitimement ? Ce sont des gens pourvus de bien petits talens