Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/71

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Rousseau.

Pour faire ce calcul avec justesse, il faudroit auparavant savoir combien de gens dans cette affaire ne voyent comme vous que par les yeux d’autrui. Si du nombre de ces bruyantes voix on doit les échos qui ne sont que répéter celle des autres, & que ton comptât celles qui restent dans le silence faute d’oser se faire entendre, il y auroit peut-être moins de disproportion que vous ne pensez. En réduisant toute cette multitude au petit nombre de gens qui menent les autres, il me resteroit encore une sorte raison de ne pas préférer leur avis au mien. Car je suis ici parfaitement sûr de ma bonne foi, & je n’en puis dire autant avec la même assurance d’aucun de ceux qui sûr cet article disent penser autrement que moi. En un mot, je juge ici par moi-même. Nous ne pouvons donc raisonner au pair vous & moi, que vous ne vous mettiez en état de juger par vous-même aussi.

Le François.

J’aime mieux pour vous complaire faire plus que vous ne demandez, en adoptant votre opinion préférablement à l’opinion publique ; car je vous avoue que le seul doute si ces livres ont été faits par ce misérable supporter la lecture aisément.

Rousseau.

Faites mieux encore. Ne songez point à l’Auteur en les lisant, & sans vous prévenir ni pour ni contre, livrez votre ame aux impressions qu’elle en recevra. Vous vous assurerez ainsi par vous-même de l’intention dans laquelle ont été écrits