Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/155

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reste, je puis m’être trompé toujours, & je me suis trompé souvent sans doute. J’ai dit mes raisons ; c’est au public, c’est à vous à les peser, à les juger, à choisir. Pour moi, je n’en sais pas davantage, & je trouve très-bon que ceux qui ont d’autres sentimens, les gardent, pourvu qu’ils me laissent en paix dans le mien.


LETTRE AU PRINCE LOUIS-EUGENE DE WIRTEMBERG.

Motiers le 10 Novembre 1763.

Si j’avois le malheur d’être né Prince, d’être enchaîné par les convenances de mon état ; que je fusse contraint d’avoir un train, une suite, des domestiques, c’est-à-dire, des maîtres ; & que pourtant j’eusse une ame assez élevée pour vouloir être homme malgré mon rang, pour vouloir remplir les grands devoirs de pere, de mari, de citoyen de la république humaine ; je sentirois bientôt les difficultés, de concilier tout cela, celle sur-tout d’elever mes enfans pour l’état où les plaça la nature, en dépit de celui qu’ils ont parmi leurs égaux.

Je commencerois donc par me dire ; il ne faut pas vouloir des choses contradictoires ; il ne faut pas vouloir être & n’être pas. La difficulté que je veux vaincre est inhérente à la chose ; si l’état de la chose ne peut changer, il faut que la difficulté