Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dire non ? Je vous avoue qu’un homme, qui d’ailleurs n’étant pas un saint, s’aviseroit tout de bon d’un scrupule que l’Abbé de St. Pierre & Fenelon n’ont pas eu, me deviendroit par cela seul très-suspect. Quoi ! dirois-je en moi-même, cet homme refuse d’embrasser le noble état d’officier de morale, un état dans lequel il peut être le guide & le bienfaiteur des hommes, dans lequel il peut les instruire, les soulager, les consoler, les protéger, leur servir d’exemple ; & cela pour quelques énigmes auxquelles ni lui ni nous n’entendons rien, & qu’il n’avoit qu’à prendre & donner pour ce qu’elles valent, en ramenant sans bruit le Christianisme à ton véritable objet ? Non, conclurois-je, cet homme ment, il nous trompe, sa fausse vertu n’est point active, elle n’est que de pure ostentation ; il faut être un hypocrite soi-même pour oser taxer d’hypocrisie détestable ce qui n’est au fond qu’un formulaire indifférent en lui-même, mais consacré par les loix. Sondez bien votre cœur, Monsieur, je vous en conjure : si vous y trouvez cette raison telle que vous me la donnez, elle doit vous déterminer, & je vous admire. Mais souvenez-vous bien qu’alors si vous n’êtes le plus digne des hommes, vous aurez été le plus fou.

À la maniere dont vous me demandez des préceptes de vertu, l’on diroit que vous la regardez comme un métier. Non, Monsieur ; la vertu n’est que la force de faire son devoir dans les occasions difficiles, & la sagesse au contraire, est d’écarter la difficulté de nos devoirs. Heureux celui qui se contentant d’être homme de bien, s’est mis dans une position à n’avoir jamais besoin d’être vertueux ! Si vous n’allez à la campagne que pour y porter le faste de la vertu, restez à la ville. Si vous