Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/377

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Prêtre, un homme rage & sensé, tel qu’on en trouve partout quand on les cherche. Je lui dirois : je vois l’océan de difficultés où nage l’esprit humain dans ces matieres ; le mien ne cherche point à s’y noyer ; je cherche ce qui est vrai & bon ; je le cherche sincérement ; je sens que la docilité qu’exige l’Eglise est un état desirable pour être en paix avec soi : j’aime cet état, j’y veux vivre ; mon esprit murmure il est vrai, mais mon cœur lui impose silence, & mes sentimens sont tous contre mes raisons. Je ne crois pas, mais je veux croire, & je le veux de tout mon cœur. Soumis à la foi malgré mes lumieres, quel argument puis-je avoir à craindre ? Je suis plus fidelle que si j’étois convaincu.

Si mon confesseur n’est pas un sot, que voulez-vous qu’il me dise ? Voulez-vous qu’il exige bêtement de moi l’impossible ; qu’il m’ordonne de voir du rouge où je vois du bleu ? Il me dira ; soumettez-vous. Je répondrai ; c’est ce que je fais. Il priera pour moi & me donnera l’absolution sans balancer ; car il la doit à celui qui croit de toute sa force & qui suit la loi de tout son cœur.

Mais supposons qu’un scrupule mal entendu le retienne, il se contentera de m’exhorter en secret & de me plaindre ; il aimera même ; je suis sûr que ma bonne foi lui gagnera le cœur. Vous supposez qu’il m’ira dénoncer à l’Official ; & pour quoi ? qu’a-t-il à me reprocher ? de quoi voulez-vous qu’il m’accuse ? d’avoir trop fidellement rempli mon devoir ? Vous supposez un extravagant, un frénétique ; ce n’est pas l’homme que j’ai choisi. Vous supposez de plus un scélérat abominable que je peux poursuivre, démentir, faire pendre peut-être pour avoir