Aller au contenu

Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/394

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est bien pis encore dans une femme, qui voulant se faire homme, met d’abord tout son sexe contre elle, & n’est jamais prise au mot par le nôtre ; en sorte que son orgueil est souvent aussi mortifié par les honneurs qu’on lui rend, que par ceux qu’on lui refuse. Elle n’a jamais précisément ce qu’elle veut, parce qu’elle veut des choses contradictoires, & qu’usurpant les droits d’un sexe, sans vouloir renoncer à ceux de l’autre, elle n’en posse de aucun pleinement.

Mais le grand malheur d’une femme qui s’affiche, est de n’attirer, ne voir que des gens qui sont comme elle, & d’écarter te mérite solide & modeste qui ne s’affiche point, & qui ne court point où s’assemble la foule. Personne ne juge si mal & si faussement des hommes, que les gens à prétentions ; car ils ne les jugent que d’après eux-mêmes, & ce qui leur ressemble ; & ce n’est certainement pas voir le genre humain par son beau côté. Vous êtes mécontente de toutes vos sociétés ; je le crois bien. Celles où vous avez vécu, étoient les moins propres à vous rendre heureuse. Vous n’y trouviez personne en qui vous pussiez prendre cette confiance qui soulage. Comment l’auriez-vous trouvée parmi des gens tout occupés d’eux seuls à qui vous demandiez dans leur cœur la premiere place, & qui n’en ont pas même une seconde à donner ? Vous vouliez briller, vous vouliez primer, & vous vouliez être aimée ; ce sont des choses incompatibles. Il faut opter. Il n’y a point d’amitié sans égalité, il n’y a jamais d’égalité reconnue entre gens à prétention. Il ne suffit pas d’avoir besoin d’un ami, pour en trouver il faut encore avoir de quoi fournir aux besoins d’un autre.