Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/497

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Sa tolérance & l’honneur qu’elle lui faisoit dans le monde exciterent la jalousie de plusieurs de ses confreres, sur-tout à Geneve. Ils ne cesserent de le harceler par des reproches, & de lui tendre des piéges où il est à la fin tombé. J’en suis fâché, mais ce n’est assurément pas ma faute. Si M. de M. eût voulu soutenir une conduite si pastorale par des moyens qui en fussent dignes, s’il se fût contenté pour sa défense d’employer avec courage, avec franchise les seules armes du Christianisme & de la vérité, quel exemple ne donnoit-il point à l’Eglise, à l’Europe entiere, quel triomphe ne s’assuroit-il point ? Il a préféré les armes de son métier, & les sentant mollir contre la vérité pour si défense il a voulu les rendre offensives en m’attaquant. Il s’est trompé ; ces vieilles armes, fortes contre qui les craint, foibles contre qui les brave se sont brisées. Il s’étoit mal adressé pour réussir.

Quelques mois après mon admission, je vis entrer un soir M. de M. dans ma chambre. Il avoit l’air embarrassé. Il s’assit & garda long-tems le silence ; il le rompit enfin par un de ces longs exordes dont le fréquent besoin lui a fait un talent. Venant ensuite à son sujet, il me dit que le parti qu’il avoit pris de m’admettre à la Communion lui avoir attiré bien des chagrins & le blâme de ses Confreres ; qu’il étoit réduit à se justifier là-dessus d’une maniere qui pût leur fermer la bouche, & que si la bonne opinion qu’il avoit de mes sentimens lui avoit fait supprimer les explications qu’à sa place un autre auroit exigées, il ne pouvoit sans se compromettre laisser croire qu’il n’en avoir eu aucune.

Là-dessus, tirant doucement un papier de sa poche, il se