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JUGEMENT

SUR LA

PAIX PERPÉTUELLE.


Le Projet de la Paix perpétuelle étant par son objet le plus digne d’occuper un homme de bien, fut aussi de tous ceux de l’Abbé de Saint-Pierre celui qu’il médita le plus long-tems & qu’il suivit avec le plus d’opiniâtreté : car on a peine à nommer autrement ce zele de missionnaire qui ne l’abandonna jamais sur ce point, malgré l’évidente impossibilité du succès, le ridicule qu’il se donnoit de jour en jour, & les dégoûts qu’il eut sans cesse à essuyer. Il semble que cette ame saine, uniquement attentive au bien public, mesuroit les soins qu’elle donnoit aux choses, uniquement sur le degré de leur utilité, sans jamais se laisser rebuter par les obstacles ni songer à l’intérêt personnel.

Si jamais vérité morale fut démontrée, il me semble que c’est l’utilité générale & particulière de ce Projet. Les avantages qui résulteroient de son exécution & pour chaque Prince & pour chaque Peuple & pour toute l’Europe, sont immenses, clairs, incontestables, on ne peut rien de plus solide & de plus exact que les raisonnemens par lesquels l’Auteur les établit : réalisez sa République Européenne durant un seul jour, c’en est assez pour la faire durer éternellement : tant chacun