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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/646

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étrangeres. Toutefois je remplirai selon ma portée, le devoir que vous m’imposez, mais je suis bien persuadé que vous ferez mieux de vous en rapporter à vous qu’à moi, sur la meilleure maniere de vous conduire dans le cas difficile où vous vous trouvez.

Si-tôt qu’on s’est dévoyé de la droite route de la nature ; rien n’est plus difficile que d’y rentrer. Votre enfant a pris un pli d’autant moins facile à corriger, que nécessairement tout ce qui l’environne, doit empêcher l’effet de vos soins pour y parvenir. C’est ordinairement le premier pli que les enfans de qualité contractent, & c’est le dernier qu’on peut leur faire perdre, parce qu’il faut pour cela le concours de la raison, qui leur vient plus tard qu’à tous les autres enfans. Ne vous effrayez donc pas trop que l’effet de vos soins ne réponde pas d’abord, à la chaleur de votre zele ; vous devez vous attendre à peu de succès jusqu’à-ce que vous ayez la prise qui peut l’amener ; mais ce n’est pas une raison pour vous relâcher en attendant. Vous voilà dans un bateau, qu’un courant très-rapide entraîne en arriere, il faut beaucoup de travail pour ne pas reculer.

La voie que vous avez prise & que vous craignez n’être pas la meilleure, ne le sera pas toujours sans doute. Mais elle me paroît la meilleure en attendant. Il n’y a que trois instrumens pour agir sur les ames humaines ; la raison, le sentiment, & la nécessité. Vous avez inutilement employé le premier ; il n’est pas vraisemblable que le second eût plus d’effet ; reste le troisieme, & mon avis est que pour quelque tems, vous devez vous y tenir ; d’autant plus que la premiere & la plus