Aller au contenu

Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/647

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

importante philosophie de l’homme de tout état & de tout âge, est d’apprendre à fléchir sous le dur joug de la nécessité. Clavos trabales & oeneos manû gestans ahoenâ.

Il est clair que l’opinion, ce monstre qui dévore le genre-humain, a déjà farci de ses préjugés la tête du petit bonhomme. Il vous regarde comme un homme à ses gages, une espece de domestique, fait pour lui obéir, pour complaire à ses caprices ; & dans son petit jugement, il lui paroît fort étrange que ce soit vous qui prétendiez l’asservir aux vôtres ; car c’est ainsi qu’il voit tout ce que vous lui prescrivez. Toute sa conduite avec vous n’est qu’une conséquence de cette maxime, qui n’est pas injuste, mais qu’il applique mal, que c’est à celui qui paye de commander. D’après cela qu’importe qu’il ait tort ou raison ; c’est lui qui paye.

Essayez chemin faisant, d’effacer cette opinion par de opinions plus justes, de redresser ses erreurs par des jugemens plus sensés. Tâchez de lui faire comprendre qu’il y a des choses plus estimables que la naissance & que les richesses, & pour le lui faire comprendre, il ne faut pas le lui dire, il faut le lui faire sentir. Forcez sa petite ame vaine à respecter la justice & le courage, à se mettre à genoux devant la vertu ; & n’allez pas pour cela lui chercher des livres. Les hommes des livres ne seront jamais pour lui que des hommes d’un autre monde ; je ne sache qu’un seul modele qui puisse avoir à ses yeux de la réalité, & ce modèle c’est vous, Monsieur ; le poste que vous remplissez est à mes yeux le plus noble & le plus grand qui soit sur la terre. Que le vil peuple en pense ce qu’il voudra, pour moi je vous vois à la place de Dieu, vous