Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/648

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faites un homme. Si vous vous voyez du même œil que moi, que cette idée doit vous élever en dedans de vous-même ! qu’elle peut vous rendre grand en effet ! & c’est ce qu’il faut, car si vous ne l’étiez qu’en apparence & que vous ne fissiez que jouer la vertu, le petit bon-homme vous pénétreroit infailliblement, & tout seroit perdu. Mais si cette image sublime du grand & du beau le frappe une fois en vous, si votre désintéressement lui apprend que la richesse ne peut pas tout ; s’il voit en vous combien il est plus grand de commander à soi-même qu’à des valets, si vous le forcez en un mot à vous respecter, dès cet instant vous l’aurez subjugué, & je vous réponds que quelque semblant qu’il fasse, il ne trouvera plus égal que vous soyez d’accord avec lui ou non ; sur-tout si en le forçant de vous honorer dans le fond de son petit cœur,, vous lui marquez en même tems faire peu de cas de ce qu’il pense lui-même, & ne vouloir plus vous fatiguer à le faire convenir de ses torts. Il me semble qu’avec une certaine façon grave & soutenue d’exercer sur lui votre autorité, vous parviendrez à la fin à demander froidement à votre tour, qu’est-ce que cela fait que nous soyons d’accord ou non ? Et qu’il trouvera lui que cela fait quelque chose. Il faudra seulement éviter de joindre à ce sang-froid, la dureté qui vous rendroit haïssable. Sans entrer en explication avec lui, vous pourrez dire à d’autres en sa présence : “j’aurois fait mes délices de rendre son enfance heureuse, mais il ne l’a pas voulu, & j’aime encore mieux qu’il soit malheureux étant enfant que méprisable étant homme.” À l’égard des punitions, je pense comme vous, qu’il n’en faut jamais venir aux coups, que dans