Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/652

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tout ce dont je peux me plaindre ; car si ce n’en eût pas été une, votre ressentiment devenoit très-légitime, & votre quatrain très-mérité. Si même j’avois quelque autre reproche à vous faire, ce seroit sur le ton de votre lettre, qui cadroit si mal avec celui de votre quatrain. Quoique dans votre opinion, je vous en eusse donné l’exemple, deviez-vous jamais l’imiter Ne deviez-vous pas au contraire être encore plus indigné de l’ironie & de la fausseté détestable que cette contradiction mettoit dans ma lettre, & la vertu doit-elle jamais souiller ses mains innocentes avec les armes des méchans, même pour repousser leurs atteintes ? Je vous avoue franchement, que je vous ai bien plus aisément pardonné le quatrain, que le corps de la lettre. Je passe les injures dans la colere, mais j’ai peine à passer les cajoleries. Pardon, Monsieur, à mon tour J’use peut-être un peu durement des droits de mon âge. Mais je vous dois la vérité depuis que vous m’avez inspiré de l’estime. C’est un bien dont je fais trop de cas, pour laisser passer en silence rien de ce qui peut l’altérer. À présent oublions pour jamais ce petit démêlé, je vous en prie, & ne nous souvenons que de ce qui peut nous rendre plus intéressans l’un à l’autre, par la maniere dont il a fini.

Revenons à votre emploi. S’il est vrai que vous ayez adopté le plan que j’ai tâché de tracer dans l’Emile, j’admire votre courage ; car vous avez trop de lumieres pour ne pas voir, que dans un pareil systême, il faut tout ou rien, & qu’il vaudroit cent fois mieux, reprendre le train des éducations ordinaires, & faire un petit talon rouge, que de suivre à demi celle-là pour ne faire qu’un homme manqué. Ce que j’appelle