talens. Quelle proportion entre les reproches qu’on peut leur faire, & les avantages immortels que le genre-humain a retirés des Sciences cultivées ? Des Ecrivains, la plupart obscurs, se sont jettés de nos jours dans de plus grands excès ; heureusement cette corruption a peu duré ; elle paroît presque entiérement éteinte ou épuisée. Mais c’étoit une suite particuliere du goût léger & frivole de notre nation ; l’Angleterre & l’Italie n’ont point de semblables reproches à faire aux Lettres.
Je pourrois me dispenser de parler du luxe, puisqu’il naît immédiatement des richesses, & non des Sciences & des Arts. Et quel rapport peut avoir avec les Lettres le luxe du faste & de la mollesse, qui est le seul que la morale puisse condamner ou restreindre ?
Il est, à la vérité, une sorte de luxe ingénieux & savant qui anime les Arts & les éleve à la perfection. C’est lui qui multiplie les productions de la peinture, de la sculpture de la musique. Les choses les plus louables en elles-mêmes doivent avoir leurs bornes ; & une nation seroit justement méprisée, qui, pour augmenter le nombre des peintres & des musiciens, se laisseroit manquer de laboureurs & de soldats. Mais lorsque les armées sont completes, & la terre cultivée, à quoi employer le loisir du reste des citoyens ? Je ne vois pas pourquoi ils ne pourroient pas se donner des tableaux, des statues & des spectacles.
Vouloir rappeller les grands états aux petites Républiques, c’est vouloir contraindre un homme fort & robuste à bégayer un berceau ; c’étoit la folie