Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/44

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aux Lettres, & ne subsistent que par elles : que de-là est sortie cette foule de passions effrénées, qui ont si souvent renversé les Empires, & presqu’anéanti le culte de la Divinité.

À cette accusation qui comprend tous les crimes possibles, les Lettres répondent : Comment serions-nous coupables des maux dont vous vous plaignez, nous qui n’étions pas encore au monde lorsqu’ils y ont paru ? En effet, quand est-ce que l’impiété & la dissolution (je dis la dissolution & non pas le luxe, car celui-ci n’est qu’un léger dédommagement, que celle-là s’est adroitement ménagé lorsqu’elle a vu ses excès censurés & réprimés par les Lettres,) quand est-ce, dis-je, que ces malheureuses filles de la volupté & de l’ignorance se sont emparées de l’empire de l’Univers ? N’ont-elles pas dès le premier âge marché tête levée, & secoué le joug de la pudeur ? Ne vit-on pas dès-lors éclore toutes les passions, dont l’affreux débordement couvrit toute la terre de tant de crimes & d’abominations, qu’un déluge universel n’a pas suffi pour la laver.

Où en étoient alors les Lettres ? elles étoient à peine conçues dans le sein d’un petit nombre de bons esprits ; ou si elles avoient déjà vu le jour, foibles & rampantes dans cette premiere enfance, elles n’osoient encore sortir de l’étroit espace qui servoit de retraite à ces sages. Cependant à la suite des infâmes plaisirs, l’irréligion aigrie plutôt que domptée par les exemples récens de la vengeance céleste, & devenue d’autant plus audacieuse que Dieu la traitoit avec plus d’indulgence, étoit montée à cet excès de folie de vouloir détrôner l’Etre suprême. Vains efforts, dont l’impiété essaya de se consoler