Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/14

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d’eux, du degré d’autorité que vous êtes dans le dessein de m’accorder à leur égard, & des bornes que vous donnerez à mes droits pour les récompenses & les châtimens.

Il est probable, Monsieur, que m’ayant fait la faveur de m’agréer dans votre maison avec un appointement honorable & des distinctions flatteuses, vous avez attendu de moi des effets qui répondissent à des conditions si avantageuses, & l’on voit bien qu’il ne falloit pas tant de frais ni de façons pour donner à Messieurs vos enfans un précepteur ordinaire qui leur apprît le rudiment, l’orthographe & le catéchisme : je me promets bien aussi de justifier de tout mon pouvoir les espérances favorables que vous avez pu concevoir sur mon compte, & tout plein d’ailleurs de fautes & de foiblesses, vous ne me trouverez jamais à me démentir un instant sur le zele & l’attachement que je dois à mes éleves.

Mais, Monsieur, quelques soins & quelques peines que je puisse prendre, le succès est bien éloigné de dépendre de moi seul. C’est l’harmonie parfaite qui doit régner entre nous, la confiance que vous daignerez m’accorder, & l’autorité que vous me donnerez sur mes éleves qui décidera de l’effet de mon travail. Je crois, Monsieur, qu’il vous est tout manifeste qu’un homme qui n’a sur des enfans des droits de nulle espece, sois pour rendre ses instructions aimables, soit pour leur donner du poids, ne prendra jamais d’ascendant sur des esprits qui, dans le fond, quelque précoces qu’on les veuille supposer, réglent toujours à certain âge les trois quarts de leurs opérations sur les impressions des sens. Vous sentez aussi qu’un maître obligé de porter ses plaintes sur