Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/19

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vous ai demandée en entrant chez vous, & qui marquoit du moins ma bonne volonté : & si ce n’est en ma propre considération, ce seroit du moins pour celle de Mrs. vos enfans, de qui l’intérêt seroit que je devinsse un homme parfait, s’il étoit possible.

Dans ces suppositions, je crois, Monsieur, que vous ne devez pas faire difficulté de communiquer à M. votre fils les bons sentimens que vous pouvez avoir sur mon compte, & que comme il est impossible que mes fautes & mes foiblesses échappent à des yeux aussi clairvoyans que les vôtres, vous ne sauriez trop éviter de vous en entretenir en sa présence car ce sont des impressions qui portent coup, & comme dit M. de la Bruyere, le premier soin des enfans est de chercher les endroits foibles de leurs maîtres pour acquérir le droit de les mépriser : or, je demande quelle impression pourvoient faire les leçons d’un homme pour qui son écolier auroit du mépris ?

Pour me flatter d’un heureux succès dans l’éducation de M. votre fils, je ne puis donc pas moins exiger que d’en être aimé, craint & estimé. Que si l’on me répondoit que tout cela devoit être mon ouvrage, & que c’est ma faute si je n’y ai pas réussi, j’aurois à me plaindre d’un jugement si injuste ; vous n’avez jamais eu d’explication avec moi sur l’autorité que vous me permettiez de prendre à son égard, ce qui étoit d’autant plus nécessaire que je commence un métier que je n’ai jamais fait, que lui ayant trouvé d’abord une résistance parfaite à mes instructions & une négligence excessive pour moi, je n’ai su comment le réduire ; & qu’au moindre mécontentement