Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/432

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que ma capacité ne va pas jusques-là. Je tâcherai seulement de le définir de mon mieux, & voici comment.

Le public est un arbre antique, planté depuis la création du monde, qui compte avec un nombre infini de générations, une multitude de branches attachées à son corps & soutenues par le même tronc. Il y en a de grosses de médiocres, de plus foibles, de plus minces & de plus élevées les unes que les autres, & il’n’y en a pas une qui se ressemble.

Si le lecteur ne me considere : que comme la moindre des feuilles attachées à cet arbre-là, il ne m’offensera pas :d’ailleurs je n’ambitionne point l’honneur de lui être connu parculiérement. Je me borne à la faculté de pouvoir réfléchir, censurer, absoudre condamner & écrire selon mes lumieres. Les siennes sont bien plus étendues & plus étincelantes, je le sais, & je n’ignore pas qu’après tous les efforts que j’aurai faits pour lui plaire, bien loin de m’en tenir, compte à mon avantage, il me réfutera, me censurera me condamnera, m’approuvera peut -être : c’est à quoi tout Écrivain doit s’attendre. Ce qui m’encourage à me livrer au penchant qui m’entraîne à mettre au jour ce que je pense des procédés, réciproques entre M. Hume & M. J. J. Rousseau, c’est qu’en dépit même de la critique la plus amere, je suis certain de trouver des approbateurs. Je n’irai pas follement braver le public ; je ne viendrai pas lâchement gémir & pleurer pour obtenir son suffrage : je sais qu’il est sévere quand il le veut, indulgent quand il le faut ; qu’il aime la droiture & rend toujours justice à la vérité.

Mais j’entends, le public sensé qui s’écrié :