Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/478

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examiner qui des deux avoir tort, l’Etranger fut condamné. On ne vouloit pas même lui permettre de se justifier. Cependant le généreux Lieutenant-Colonel C * * *. ne voulut pas être du nombre des foibles. Il écouta l’Etranger, eut la générosité de plaider sa cause & la défendit ouvertement à la honte de l’Irlandois & de ses adhérens. Il fit plus, il voulut remplacer Ried dans l’emploi de bienfaiteur, & s’en chargea avec tant de grandeur d’ame & de délicatesse, que ce même Etranger peut encore protester que jamais homme vivant n’a pu graver dans son cœur autant de reconnoissance de respecte & de vénération. La haute sagesse & la probité de ce valeureux militaire sont trop connues, pour qu’on puisse le soupçonner de s’être livré à un autre sentiment qu’à celui qu’inspire la justice & l’amour du prochain affligé.

Un homme libéral est un Dieu sur la terre, Un ami vertueux, un sage défenseur ;

Quand l’Etranger en lui peut retrouver un pere, Et qu’il a tous les traits d’un noble bienfaiteur.

Lorsqu’on épure par le creuset de la réflexion les actions de la plupart des hommes, on n’y remarque que le vernis de la probité & l’étiquette du sentiment. Ceux qui, par des dehors trompeurs ont l’adresse de se faire passer pour les plus estimables, n’ont ordinairement que le coloris de la vertu. Examine-t-on de près les motifs qui les sont agir ? la réalité des sentimens généreux ne s’y trouve plus. Orgueil, ostentation, caprice & fasse compassion sont la base presque de tous