Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/493

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M. Rousseau sacrifie à la politique & à la dissimulation ; il est beau d’être sincere, parce qu’il seroit à souhaiter, pour le bonheur du genre-humain, que tout le monde le fût. J’avoue même qu’il convient à tout homme d’honneur de savoir répéter à propos ces beaux vers de Voltaire.

Seigneur, il est bien dur pour un cœur magnanime,

D’attendre des secours de ceux qu’on mésestime : Leurs refus sont affreux, leurs bienfaits sont rougir.

Mais de se livrer à ce sentiment avant que d’être bien convaincu que son bienfaiteur soit coupable de trahison ; de s’y abandonner sur l’apparence trompeuse de certaines démarches, auxquelles on veut prêter gratuitement des intentions criminelles ! En vérité ce n’est plus agir en homme raisonnable, c’est annoncer une imagination évaporée, qui n’apperçoit dans le lointain que des fantômes qui disparoissent en les approchant.

Examinons encore jusqu’où le philosophe Genevois porte le ressentiment. Je me dois, dit-il à M. Hume, de n’avoir plus de commerce avec vous, & de n’accepter pas même à mon avantage aucune affaire dont vous soyez le médiateur. Ici, il faut se mettre à la place de M. Hume, en le supposant innocent, & convenir qu’après les démarches qu’il avoit déjà faites auprès des Ministres pour faire obtenir à J. J. Rousseau une pension de S. M. B., que cette phrase étoit pour lui un coup de foudre. Supposons-le coupable, elle ne pouvoir que l’étourdir & le révolter, sur-tout en réfléchissant sur la situation étroite où J. J. se trouvoit. Ce refus opiniâtre ne pouvoir que révolter les personnes sensées, qui conviennent qu’il est du