Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/581

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de toute la religion, la vertu & la raison qu’il y a en Europe. Voe misero ! lilia nigra videntur, pallentesque rosoe. Soyez chrétien, Jean -Jaques, puisque vous vous vantez de l’être à toute force ; mais, au nom du bon sens & vérité, ne vous croyez pas le seul maître en Israël.

Docteur Pansophe, soyez modeste, s’il vous plaît ; autre leçon importante. Pourquoi dire à l’Archevéque de Paris que vous étes né avec quelques talens ? Vous n’êtes surement pas né avec le talent de l’humilité ni de la justesse d’esprit. Pourquoi dire au public que vous avez refusé l’éducation d’un Prince, & avertir fiérement qui il appartiendra, de ne pas vous faire dorénavant de pareilles propositions ? Je crois que cet avis au public est plus vain qu’utile : quand même Diogene, une fois connu, diroit aux passans ; achetez votre maître, on le laisseroit dans son tonneau avec tout son orgueil & toute sa folie. Pourquoi dire que la mauvaise profession de foi du Vicaire Allobroge est le meilleur écrit qui ait paru dans ce siecle ? Vous mentez fiérement, Jean-Jaques : un bon écrit est celui qui éclaire les hommes & les confirme dans le bien ; & un mauvais écrit est celui qui épaissit le nuage qui leur cache la vérité, qui les plonge dans de nouveaux doutes, & les laisse sans principes. Pourquoi répéter continuellement avec une arrogance sans exemple, que vous bravez vos sots lecteurs & le sot public ? Le public n’est pas sot : il brave à son tour la démence qui vit & médit à ses dépens. Pourquoi, ô docteur Pansophe ! dites-vous bonnement ? Qu’un Etat sensé auroit élevé des statues à l’Auteur d’Emile ? C’est que l’Auteur d’Emile est comme un enfant, qui, après avoir soufflé des boules de