Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/76

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les légeres subtilités de cette Philosophie françoise.

Dorante.

Oui, j’en appelle en témoignage de la sincérité de mes feux, cette conduite même que vous me reprochez : j’ai dit à d’autres de petites douceurs, il est vrai : j’ai folâtré auprès d’elles. Mais ce badinage & cet enjouement, sont-ils le langage de l’amour ? Est-ce sur ce ton que je me suis exprimé prés de vous ? Cet abord timide, cette émotion, ce respect, ces tendres soupirs, ces douces larmes, ces transports que vous me faites éprouver, ont-ils quelque chose de commun avec cet air piquant & badin que la politesse & le ton du monde nous sont prendre auprès des femmes indifférentes ? Non, Sophie, les ris & la gaîté ne sont point le langage du sentiment. Le véritable amour n’est ni téméraire ni évapore ; la crainte le rend circonspect ; il risque moins par la connoissance de ce qu’il peut perdre, & comme il en veut au cœur encore plus qu’à la personne, il ne hasarde gueres l’estime de la personne qu’il aime pour en acquérir la possession.

Sophie.

C’est-à-dire, en un mot, que contens d’être tendres pour vos maîtresses, vous n’êtes que galans, badins & téméraires près des femmes que vous n’aimez point. Voilà une constance & des maximes d’un nouveau goût, fort commodes, pour les cavaliers ; je ne sais si les belles de votre pays s’en contentent de même ?