Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/92

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rendre justice au mérite. J’avoue même que le commerce de nos prisonniers m’a bien fait changer d’opinion sur le compte de leur nation ; mais considérez, mon fils, que ma parole est engagée, que je me serois une méchante affaire de consentir à

une alliance contraire à nos usages & à nos préjugés, & que pour tout dire enfin, une femme n’est jamais assez en droit de compter sur le cœur d’un François, pour que nous puissions nous assurer du bonheur de votre sœur en l’unissant à Dorante.

Dorante.

Je crois, Monsieur, que vous voulez bien que je triomphe, puisque vous m’attaquez par le côté le plus fort. Ce n’est point en moi-même que j’ai besoin de chercher des motifs pour rassurer l’aimable Sophie sur mon inconstance, ce sont ses charmes & son mérite, qui seuls me les fournissent ; qu’importe en quels climats elle vive, son regne sera toujours par-tout où l’on a des yeux & des cœurs.

Frederich.

Entends-tu, ma sœur ; cela veut dire que si jamais il devient infidele tu trouveras dans son pays tout ce qu’il faut pour t’en dédommager.

Sophie.

Votre tans sera mieux employé à plaider sa cause auprès de mon pere, qu’à m’interpréter ses sentimens.

Goternitz.

Vous voyez, seigneur Macker, qu’ils sont tous réunis contre nous ; nous aurons à faire à trop forte partie, ne ferions-nous pas mieux de céder de bonne grace ?