Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/453

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la médisance, ni même la plainte ? Hélas ! ce fut le protecteur qui en eut besoin d’indulgence ; & le protégé s’acquitta envers lui, en lui pardonnant, en faveur de la justice qu’il n’avoit cessé de rendre à son cœur, l’injustice qu’il lui faisoit, en accusant son jugement d’erreur, & son esprit de prévention. Oui Monsieur, je l’avouerai sans détour*

[*J’ai plus fait, j’en ai fourni la preuve, en produisant les trois derniers extraits.] (les amis de Jean-Jaques ne combattront jamais une vérité quelque affligeante qu’elle puisse être), la gravité des torts de M. Hume en sauva la punition ; le digne Lord le crut innocent : aveuglé par la longue habitude de l’estimer ; il ne s’apperçut point que les circonstances ne permettoient pas que les torts fussent du côté de Jean-Jaques. *

[*C’est ce qu’il rend palpable dans une lettre datée de Wootton le 2 août 1766, dont j’ai vu l’original. Voici ce qu’il dit. “Je me bornerai à vous présenter une seule réflexion. Il s’agit de deux hommes, dont l’un a été amené par l’autre en Angleterre presque malgré lui. L’étranger ignorant la langue du pays, ne pouvant ni parler, ni entendre, seul, sans amis, sans appui, sans connoissances, sans savoir même à qui confier une lettre en sureté, livré sans réserve à l’autre & aux siens, malade, retiré, ne voyant personne, écrivant peu, est allé s’enfermer dans le fond d’une retraite, où il herborise pour toute occupation. Le Breton, homme actif, liant, intriguant, au milieu de son pays, de ses amis, de ses parens, de ses patrons, de ses patriotes, en grand crédit à la Cour, à la ville, répandu dans le plus grand monde, à la tête des gens de lettres, disposant des papiers publics, en grande relation chez l’étranger, sur-tout avec les plus mortels ennemis du premier. Dans cette position, il se trouve que l’un des deux a tendu des piéges à l’autre. Le Breton crie que c’est cette vile canaille, ce scélérat d’étranger qui lui en tend. L’étranger, seul, malade, abandonné, gémit & ne répond rien. Là-dessus, le voilà jugé. Il demeure clair qu’il s’est laissé mener dans le pays de l’autre, qu’il s’est mis à sa merci, tout exprès pour lui faire piece, & pour conspirer contre lui. Que pensez - vous de ce jugement ? Si j’avois été capable de former un projet aussi monstrueusement extravagant, où est l’homme, ayant quelque sens, quelque humanité qui ne devroit pas dire, vous faites tort à ce pauvre misérable, il est trop fou, pour pouvoir être un scélérat. Plaignez-le, saignez-le, mais ne l’injuriez pas.” ] Si George Keith avoir eu autant de sagacité, que de bonté & de franchise, la seule publication de l’Exposé succinct lui auroit dessillé les yeux.....Mais on doit l’excuser sur la foiblesse attachée à son grand âge ; sur l’intérêt personnel, qui le portoit à éloigner la cruelle idée d’avoir consommé le malheur de son fils chéri, en le liant