Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/111

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qui j’avois de l’attachement, je conservai jusqu’à la fin leur amitié, leur estime, leur confiance, en me conduisant avec douceur & complaisance, mais toujours avec droiture & fermeté. Malgré ma bêtise & ma gaucherie, Mde. d’E

[Epina] y voulut me mettre des amusemens de la Chevrette, château près de St. Denis, appartenant à M. de B

[ellegard] e. Il y avoit un théâtre où l’on jouoit souvent des pièces. On me chargea d’un rôle que j’étudiai six mais sans relâche & qu’il fallut me souffler d’un bout à l’autre à la représentation. Après cette épreuve on ne me proposa plus de rôle.

En faisant la connoissance de Mde. d’E

[Epina] y, je fis aussi celle de sa belle-sœur, Mlle. de B

[ellegard] e, qui devint bientôt comtesse de H

[oudeto] t. La premiere fois que je la vis, elle étoit à la veille de son mariage : elle me causa long-tems avec cette familiarité charmante qui lui est naturelle. Je la trouvai très aimable ; mais j’étois bien éloigné de prévoir que cette jeune personne feroit un jour le destin de ma vie & m’entraîneroit, quoique bien innocemment, dans l’abîme où je suis aujourd’hui.

Quoique je n’aye pas parlé de Diderot depuis mon retour de Venise, non plus que de mon ami M. Roguin, je n’avois pourtant négligé ni l’un ni l’autre & je m’étois sur-tout lié de jour en jour plus intimement avec le premier. Il avoit une Nanette, ainsi que j’avois une Thérèse : c’étoit entre nous une conformité de plus. Mais la différence étoit que ma Thérèse, aussi bien de figure que sa Nanette, avoit une humeur douce & un caractère aimable, foit pour attacher un honnête homme ; au lieu que la sienne, pigrièche &