Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/117

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D’Alembert & le trésorier de la Ste. Chapelle étoient avec lui. En entrant je ne vis que lui ; je ne fis qu’un saut, un cri ; je collai mon visage sur le sien, je le serrai étroitement sans lui parler autrement que par mes pleurs & mes sanglots ; j’étouffois de tendresse & de joie. Son premier mouvement, sorti de mes bras, fut de se tourner vers l’ecclésiastique & de lui dire : Vous voyez, Monsieur, comment m’aiment mes amis.

Tout entier à mon émotion, je ne réfléchis pas alors à cette manière d’en tirer avantage. Mais en y pensant quelquefois depuis ce tems-là, j’ai toujours jugé qu’à la place de Diderot ce n’eût pas été là la premier idée qui me seroit venue.

Je le trouvai très affecté de sa prison. Le donjon lui avoit foit une impression terrible & quoiqu’il fût agréablement au château & maître de ses promenades dans un parc qui n’est pas même fermé de murs, il avoit besoin de la société de ses amis pour ne pas se livrer à son humeur noire. Comme j’étois assurément celui qui compatissoit le plus à sa peine, je crus aussi être celui dont la vue lui seroit la plus consolante ; & tous les deux jours au plus tard, malgré des occupations très-exigeantes, j’allais, soit seul, soit avec sa femme, passer avec lui les après-midi.

Cette année 1749, l’été fut d’une chaleur excessive. On compte deux lieues de Paris à Vincennes. Peu en état de payer des fiacres, à deux heures après midi j’allois à pied quand j’étois seul & j’allois vite pour arriver plus tôt. Les