Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lui rendis toutes avec une fidélité dont elle me fit l’injure de douter un moment.

Ce doute fut encore un déchirement inattendu pour mon cœur, qu’elle devoit si bien connaître. Elle me rendit justice, mais ce ne fut pas sur-le-champ ; je compris que l’examen du paquet que je lui avois rendu lui avoit fait sentir son tort : je vis même qu’elle se le reprochoit & cela me fit regagner quelque chose. Elle ne pouvoit retirer ses lettres sans me rendre les miennes. Elle me dit qu’elle les avoit brûlées ; j’en osai douter à mon tour & j’avoue que j’en doute encore. Non, l’on ne met point au feu de pareilles lettres. On a trouvé brûlantes celles de la Julie : eh Dieu ! qu’aurait-on donc dit de celles-là ? Non, non, jamais celle qui peut inspirer une pareille passion n’aura le courage d’en brûler les preuves. Mais je ne crains pas non plus qu’elle en oit abusé : je ne l’en crois pas capable ; & de plus, j’y avois mis bon ordre. La sotte, mais vive crainte d’être persiflé m’avoit fait commencer cette correspondance sur un ton qui mît mes lettres à l’abri des communications. Je portai jusqu’à la tutoyer la familiarité que j’y pris dans mon ivresse : mais quel tutoiement ! elle n’en devoit sûrement pas être offensée. Cependant elle s’en plaignit plusieurs fois, mais sans succès : ses plaintes ne faisoient que réveiller mes craintes & d’ailleurs je ne pouvois me résoudre à rétrograder. Si ces lettres sont encore en être & qu’un jour elles soient vues, on connaîtra comment j’ai aimé.

La douleur que me causa le refroidissement de Mde. d’H[...], & la certitude de ne l’avoir pas mérité, me firent