Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/314

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effets & meubles que sa fille & elle avoient en commun. Je lui donnai quelque argent, & je m’engageai à lui payer son loyer chez ses enfans ou ailleurs, à pourvoir à sa subsistance autant qu’il me seroit possible, & à ne jamais la laisser manquer de pain, tant que j’en aurois moi-même.

Enfin le sur-lendemain de mon arrivée à Mont-Louis, j’écrivis à Mde. D’.....y la lettre suivante.

À Montmorenci le 17 Décembre 1757.

« Rien n’est si simple & si nécessaire, Madame, que de déloger de votre maison, quand vous n’approuvez pas que j’y reste. Sur votre refus de consentir que je passasse à l’Hermitage le reste de l’hiver, je l’ai donc quitté le quinze Décembre. Ma destinée étoit d’y entrer malgré moi & d’en sortir de même. Je vous remercie du séjour que vous m’avez engagé d’y faire, & je vous en remercierois davantage si je l’avois payé moins cher. Au reste, vous avez raison de me croire malheureux ; personne au monde ne sait mieux que vous combien je dois l’être. Si c’est un malheur de se tromper sur le choix de ses amis, c’en est un autre non moins cruel de revenir d’une erreur si douce. »

Tel est le narré fidelle de ma demeure à l’Hermitage, & des raisons qui m’en ont fait sortir. Je n’ai pu couper ce récit, & il importoit de le suivre avec la plus grande exactitude : cette époque de ma vie ayant eu sur la suite une influence qui s’étendra jusqu’à mon dernier souvenir.


Fin du neuvième Livre.