Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/339

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

su tout ce que j’ai pénétré depuis, je n’en aurois pas moins donné mon consentement, comme je fis, & comme j’étois obligé de faire, à moins de renchérir sur l’offre de M. G[...]Depuis lors le P. B

[erthie] r me guérit un peu de l’imputation de bonhomie qui lui avoit paru si plaisante, & dont je l’avois si étourdiment chargé.

Ce même P. B

[erthie] r avoit la connoissance de deux hommes qui recherchèrent aussi la mienne, je ne sais pourquoi : car il y avoit assurément peu de rapport entre leurs goûts & les miens. C’étoient des enfans de Melchisédec, dont on ne connoissoit ni le pays, ni la famille, ni probablement le vrai nom. Ils étoient Jansénistes & passoient pour des prêtres déguisés, peut-être à cause de leur façon ridicule de porter les rapières auxquelles ils étoient attachés. Le mystère prodigieux qu’ils mettoient à toutes leurs allures leur donnoit un air de chefs de parti, & je n’ai jamais douté qu’ils ne fissent la gazette ecclésiastique. L’un, grand, bénin, patelin, s’appeloit M. Ferraud ; l’autre, petit, trapu, ricaneur, pointilleux, s’appeloit M. Minard. Ils se traitoient de cousins. Ils logeoient à Paris, avec d’Alembert, chez sa nourrice, appelée Mde. Rousseau, & ils avoient pris à Montmorenci un petit appartement pour y passer les étés. Ils faisoient leur ménage eux-mêmes, sans domestique & sans commissionnaire. Ils avoient alternativement chacun sa semaine pour aller aux provisions, faire la cuisine & balayer la maison. D’ailleurs ils se tenoient assez bien ; nous mangions quelquefois les uns chez les autres. Je ne sais pas pourquoi ils se soucioient de moi ; pour moi, je ne me souciois d’eux,