Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/354

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rente viagère qui pût, avec ma copie, me faire subsister sans plus écrire. J’avois encore deux ouvrages sur le chantier. Le premier étoit mes Institutions politiques. J’examinai l’état de ce livre, & je trouvai qu’il demandoit encore plusieurs années de travail. Je n’eus pas le courage de le poursuivre & d’attendre qu’il fût achevé, pour exécuter ma résolution. Ainsi, renonçant à cet ouvrage, je résolus d’en tirer tout ce qui pouvoit se détacher, puis de brûler tout le reste ; & poussant ce travail avec zèle, sans interrompre celui de l’Émile, je mis, en moins de deux ans, la dernière main au Contrat social.

Restoit le Dictionnaire de musique. C’étoit un travail de manœuvre qui pouvoit se faire en tout temps, & qui n’avoit pour objet qu’un produit pécuniaire. Je me réservai de l’abandonner, ou de l’achever à mon aise, selon que mes autres ressources rassemblées me rendroient celle-là nécessaire ou superflue. À l’égard de la Morale sensitive, dont l’entreprise étoit restée en esquisse, je l’abandonnai totalement.

Comme j’avois en dernier projet, si je pouvois me passer tout-à-fait de la copie, celui de m’éloigner de Paris où l’affluence des survenans rendoit ma subsistance coûteuse, & m’ôtoit le tems d’y pourvoir, pour prévenir dans ma retraite l’ennui dans lequel on dit que tombe un auteur quand il a quitté la plume, je me réservois une occupation qui pût remplir le vide de ma solitude, sans me tenter de plus rien faire imprimer de mon vivant. Je ne sais par quelle fantaisie Rey me pressoit depuis long-tems d’écrire les Mémoires de ma vie. Quoiqu’ils ne fussent pas jusqu’alors