Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/41

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prit en guignon le consul ; & sitôt que je fus arrivé, il lui ôta les fonctions de secrétaire d’ambassade pour me les donner. Elles étoient inséparables du titre ; il me dit de le prendre. Tant que je restai près de lui, jamais il n’envoya que moi sous ce titre au sénat & à son conférent ; & dans le fond il étoit fort naturel qu’il aimât mieux avoir pour secrétaire d’ambassade un homme à lui, qu’un consul ou un commis des bureaux nommé par la Cour.

Cela me rendit ma situation assez agréable & empêcha ses gentilshommes, qui étoient Italiens ainsi que ses pages & la plupart de ses gens, de me disputer la primauté dans sa maison. Je me servis avec succès de l’autorité qui y étoit attachée pour maintenir son droit de liste, c’est-à-dire la franchise de son quartier contre les tentatives qu’on fit plusieurs fois pour l’enfreindre & auxquelles ses officiers Vénitiens n’avoient garde de résister. Mais aussi je ne souffris jamais qu’il s’y réfugiât des bandits, quoiqu’il m’en eût pu revenir des avantages dont son Excellence n’auroit pas dédaigné sa part. Elle osa même réclamer sur les droits du secrétariat qu’on appeloit la chancellerie. On étoit en guerre ; il ne laissoit pas d’y avoir bien des expéditions de passeports. Chacun de ces passe-ports payoit un sequin au secrétaire qui l’expédioit & le contresignoit. Tous mes prédécesseurs s’étoient foit payer ce sequin indistinctement tant des François que des étrangers. Je trouvai cet usage injuste ; & sans être François je l’abrogeai pour les François ; mais j’exigeai si rigoureusement mon droit de tout autre, que le marquis Scotti, frère du favori de la reine