Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/410

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point du tout à l’autre. Je n’ai jamais parlé de ce plagiat à personne au monde qu’à elle seule, & cela pour remplir un devoir qu’elle m’avoit imposé ; cela ne m’a pas empêché de me rappeler souvent depuis lors le sort de celui que remplit Gil-Blas près de l’archevêque prédicateur.

Outre l’abbé de B.......s, qui ne m’aimoit pas, outre Mde. de B.......s, auprès de laquelle j’avois des torts que jamais les femmes ni les auteurs ne pardonnent, tous les autres amis de Mde. la maréchale m’ont toujours paru peu disposés à être des miens, entre autres M. le président Hénault, lequel, enrôlé parmi les auteurs, n’étoit pas exempt de leurs défauts ; entre autres aussi Mde. du Deffand & Mademoiselle de Lespinasse, toutes deux en grande liaison avec Voltaire, & intimes amies de d’Alembert, avec lequel la dernière a même fini par vivre, s’entend en tout bien & en tout honneur, & cela ne peut même s’entendre autrement. J’avois d’abord commencé par m’intéresser fort à Mde. du Deffand, que la perte de ses yeux faisoit aux miens un objet de commisération ; mais sa manière de vivre, si contraire à la mienne, que l’heure du lever de l’un étoit presque celle du coucher de l’autre ; sa passion sans bornes pour le petit bel esprit ; l’importance qu’elle donnoit, soit en bien, soit en mal, aux moindres torche-culs qui paraissoient ; le despotisme & l’emportement de ses oracles ; son engouement outré pour ou contre toutes choses, qui ne lui permettoit de parler de rien qu’avec des convulsions ; ses préjugés incroyables, son invincible obstination, l’enthousiasme de déraison où la portoit l’opiniâtreté de ses jugemens passionnés ;