Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/413

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de d’Alembert, à l’ombre duquel il passoit chez les femmes pour un grand géomètre. Il étoit d’ailleurs le sigisbée, ou plutôt le complaisant de Mde. la comtesse de B.......s, très-amie elle-même de d’Alembert, & le chevalier de L

[orenz] i n’avoit d’existence & ne pensoit que par elle. Ainsi, loin que j’eusse au-dehors quelque contrepoids à mon ineptie, pour me soutenir auprès de Mde. de Luxembourg, tout ce qui l’approchoit sembloit concourir à me nuire dans son esprit. Cependant, outre l’Emile, dont elle avoit voulu se charger, elle me donna dans le même temps une autre marque d’intérêt & de bienveillance, qui me fit croire que, même en s’ennuyant de moi, elle me conservoit & me conserveroit toujours l’amitié qu’elle m’avoit tant de fois promise pour toute la vie.

Sitôt que j’avois cru pouvoir compter sur ce sentiment de sa part, j’avois commencé par soulager mon cœur auprès d’elle de l’aveu de toutes mes fautes, ayant pour maxime inviolable, avec mes amis, de me montrer à leurs yeux exactement tel que je suis, ni meilleur, ni pire. Je lui avois déclaré mes liaisons avec Thérèse, & tout ce qui en avoit résulté, sans omettre de quelle façon j’avois disposé de mes enfans. Elle avoit reçu mes confessions très-bien, trop bien même, en m’épargnant les censures que je méritois, & ce qui m’émut sur-tout vivement, fut de voir les bontés qu’elle prodiguoit à Thérèse, lui faisant de petits cadeaux, l’envoyant chercher, l’exhortant à l’aller voir, la recevant avec cent caresses, & l’embrassant très-souvent devant tout le monde. Cette pauvre fille étoit dans des transports de joie & de reconnoissance qu’assurément je partageois bien, les amitiés