Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/92

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prolongé : je ne désirois rien que d’en assurer la durée.

Cet attachement me rendit toute autre dissipation superflue & insipide. Je ne sortois plus que pour aller chez Thérèse ; sa demeure devint presque la mienne. Cette vie retirée devint si avantageuse à mon travail, qu’en moins de trois mais mon opéra tout entier fut foit, paroles & musique. Il restoit seulement quelques accompagnemens & remplissages à faire. Ce travail de manœuvre m’ennuyoit fort. Je proposai à Philidor de s’en charger, en lui donnant part au bénéfice. Il vint deux fois & fit quelques remplissages dans l’acte d’Ovide ; mais il ne put se captiver à ce travail assidu pour un profit éloigné & même incertain. Il ne revint plus & j’achevai ma besogne moi-même.

Mon opéra foit, il s’agit d’en tirer parti ; c’étoit un autre opéra bien plus difficile. On ne vient à bout de rien à Paris quand on y vit isolé. Je pensai à me faire jour par M. de la Poplinière, chez qui Gauffecourt, de retour de Genève, m’avoit introduit. M. de la Poplinière étoit le Mécène de Rameau : Mde. de la Poplinière étoit sa très humble écolière. Rameau faisoit, comme on dit, la pluie & le beau tems dans cette maison. Jugeant qu’il protégeroit avec plaisir l’ouvrage d’un de ses disciples, je voulus lui montrer le mien. Il refusa de le voir, disant qu’il ne pouvoit lire des partitions & que cela le fatiguoit trop. La Poplinière dit là-dessus qu’on pouvoit le lui faire entendre & m’offrit de rassembler des musiciens pour en exécuter des morceaux. Je ne demandois pas mieux. Rameau consentit en grommelant & répétant sans cesse que ce devoit être une belle chose que la composition