Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/116

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offroit un qui me tentoit beaucoup davantage à Potzdam, auprès de lui. Il venoit de me faire part d’un propos que le roi lui avoit tenu à mon sujet, & qui étoit une espèce d’invitation à m’y rendre, & Mde. la duchesse de Saxe-Gotha comptoit si bien sur ce voyage, qu’elle m’écrivit pour me presser d’aller la voir en passant, & de m’arrêter quelque tems auprès d’elle : mais j’avois un tel attachement pour la Suisse, que je ne pouvois me résoudre à la quitter tant qu’il me seroit possible d’y vivre, & je pris ce tems pour exécuter un projet dont j’étois occupé depuis quelques mois, & dont je n’ai pu parler encore, pour ne pas couper le fil de mon récit.

Ce projet consistoit à m’aller établir dans l’isle de St. Pierre, domaine de l’hôpital de Berne au milieu du lac de Bienne. Dans un pèlerinage pédestre que j’avois fait l’été précédent avec D

[u Peyro] u, nous avions visité cette isle, & j’en avois été tellement enchanté que je n’avois cessé depuis ce temps-là de songer aux moyens d’y faire ma demeure. Le plus grand obstacle étoit que l’île appartenoit aux Bernois, qui, trois ans auparavant, m’avoient vilainement chassé de chez eux ; & outre que ma fierté pâtissoit à retourner chez des gens qui m’avoient si mal reçu, j’avois lieu de craindre qu’ils ne me laissassent pas plus en repos dans cette île qu’ils n’avoient fait à Yverdon. J’avois consulté là-dessus milord Maréchal, qui, pensant comme moi que les Bernois seroient bien aises de me voir relégué dans cette île, & de m’y tenir en otage, pour les écrits que je pourrois être tenté de faire, avoit fait sonder là-dessus leurs dispositions par un M. Sturler, son