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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/178

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vous devez comprendre que dans l’état où je suis, il y a plus de franchise que de courage à dire des vérités utiles, & je puis désormais mettre les hommes au pis, sans avoir grand chose à perdre. D’ailleurs, en tout pays, je respecte la police & les lois, & si je parois ici les éluder, ce n’est le qu’une apparence qui n’est point fondée ; on ne peut être plus en règle que je le suis ; il est vrai que si l’on m’attaquoit, je ne pourrois sans bassesse employer tous mes avantages pour me défendre ; mais il n’en est pas moins vrai qu’on ne pourroit m’attaquer justement, & cela suffit pour ma tranquillité ; toute ma prudence dans ma conduite est qu’on ne puisse jamais me faire mal sans me faire tort ; mais aussi je ne me dépars jamais de-là. Vouloir se mettre à l’abri de l’injustice, c’est tenter l’impossible, & prendre des précautions qui n’ont point de fin. J’ajouterai qu’honoré dans ce pays de l’estime publique, j’ai une grande défense dans la droiture de mes intentions qui se fait sentir dans écrits. Le Français est naturellement humain & hospitalier ; que gagneroit-on de persécuter un pauvre malade qui n’est sur le chemin de personne, & ne pêche que la paix & la vertu ? Tandis que l’auteur du livre de l’Esprit vit en paix dans sa patrie, J. J. Rousseau peut espérer de être pas tourmenté.

Tranquillisez - vous donc sur mon compte, & soyez persuadé que je ne risque rien. Mais pour mon livre, je vous avoue qu’il est maintenant dans un état de crise qui me fait craindre pour son sort. Il faudra peut-être n’en laisser paroître qu’une partie, ou le mutiler misérablement ;