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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/181

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ce que j’ai voulu faire inutilement plusieurs fois, & ce que je ne suis plus en état de faire. Ainsi, j’ai résolu de ne plus m’inquiéter de cette affaire, & de laisser courir sa fortune au livre, puisqu’il est trop tard pour l’empêcher.

Quoique par-là toute discussion sur le danger de la profession de foi devienne inutile, puisqu’assurément, quand je la voudrois retirer, le libraire ne me la rendroit pas, j’espère pourtant que vous avez mis ses effets au pis, en supposant qu’elle jetteroit le peuple parmi nous dans une incrédulité absolue ; car premièrement, je n’ôte pas à pure perte, & même je n’ôte rien, & j’établis plus que je ne détruis. D’ailleurs, le peuple aura toujours une religion positive, fondée sur l’autorité des hommes, & il est impossible que sur mon ouvrage, le peuple de Genève en préfère une autre à celle qu’il a. Quant aux miracles, ils ne sont pas tellement liés à cette autorité qu’on ne puisse les en détacher à certain point, & cette séparation est très- importante à faire, afin qu’un peuple religieux ne soit pas à discrétion des fourbes & des novateurs ; car, quand vous ne tenez le peuple que par les miracles, vous ne tenez rien. Ou je me trompe fort, ou ceux sur qui mon livre seroit quelque impression parmi le peuple, en seroient beaucoup plus gens de bien, & n’en seroient guères moins Chrétiens, ou plutôt ils le seroient plus essentiellement. Je suis donc persuadé que le seul mauvais effet que pourra faire mon livre parmi les nôtres sera contre moi ; & même je ne doute point que les plus incrédules ne soufflent encore plus le feu que les dévots ; mais cette considération ne m’a