LETTRE À Mr. DE***.
Montmorenci le 7 Mai 1762.
C’est à moi, Monsieur, de vous remercier de ne pas dédaigner de si foibles hommages, que je voudrois bien rendre plus dignes de vous être offerts. Je crois, à propos de ce dernier écrit, devoir vous informer d’une action du fleur Rey, laquelle a peu d’exemple chez les libraires, & ne sauroit manquer de lui valoir quelque partie des bontés dont vous m’honorez. C’est, Monsieur, qu’en reconnoissance des profits qu’il prétend avoir faits sur mes ouvrages, il vient de passer en faveur de ma gouvernante l’acte d’une pension viagère de trois cent livres, & cela de son propre mouvement, & de la manière du monde la plus obligeante. Je vous avoue qu’il s’est attaché pour le reste de ma vie, un ami par ce procédé, & j’en suis d’autant plus touché, que ma plus grande peine, dans l’état où je suis, étoit l’incertitude de celui où je laisserois cette pauvre fille, après dix-sept ans de services, de soins & d’attachement. Je sais que le fleur Rey n’a pas une bonne réputation dans ce pays-ci, & j’ai eu moi-même plus d’une occasion de m’en plaindre, quoique jamais sur des discussions d’intérêt, ni sur sa fidélité à faire honneur à ses engagemens. Mais il est confiant aussi qu’il est généralement estimé en Hollande, & voilà, ce me semble, un fait authentique qui doit effacer bien des imputations vagues