Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/263

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LETTRE À Mr. D’IVERNOIS.

À Motiers le 15 Août 1765.

J’ai reçu tous vos envois, Monsieur, & je vous remercie des commissions, elles sont sort bien, & je vous prie aussi d’en faire mes remercîmens à M. De Luc. À l’égard des abricots, par respect pour Mde. d’Ivernois je veux bien ne pas les renvoyer ; mais j’ai là-dessus deux choses à vous dire, & je vous les dis pour la dernière fois. L’une, qu’à faire aux gens des cadeaux malgré eux, & à les servir à notre mode & non pas à la leur, je vois plus de vanité que d’amitié. L’autre, que je suis très-déterminé à secouer toute espèce de joug qu’on peut vouloir m’imposer malgré moi, quel qu’il puisse être ; que quand cela ne peut se faire qu’en rompant, je romps, & que quand une fois j’ai rompu, je ne renoue jamais, c’est pour la vie. Votre amitié, Monsieur, m’est trop précieuse, pour que je vous pardonnasse jamais de m’y avoir sait renoncer.

Les cadeaux sont un petit commerce d’amitié sort agréable quand ils sont réciproques. Mais ce commerce demande de part & d’autre de la peine & des soins ; & la peine & les soins sont le fléau de ma vie : j’aime mieux un quart d’heure d’oisiveté que toutes les confitures de la terre. Voulez - vous me faire des présens qui soient pour mon cœur d’un prix inestimable ? Procurez-moi des loisirs, sauvez-moi