Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/427

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nature entière m’en est garante. Elle n’est pas contradictoire avec elle-même ; j’y vois régner un ordre physique admiration & qui ne se dément jamais. L’ordre moral y doit correspondre. Il fut pourtant renversé pour moi durant ma vie, il va donc commencer à ma mort. Pardon, mon ami, je sens que je rabâche ; mais mon cœur, plein pour moi d’espoir & de confiance, & pour vous d’intérêt & d’attachement, ne pouvoit se refuser, ne pouvoit se refuser à ce court épanchement.

Je ne songe plus à L. & probablement mes voyages sont finis. J’ai pourtant reçu dernièrement une lettre du patron de la case, aussi pleine de bonté & d’amitié qu’il m’en ait jamais écrit, & qui donne son approbation à une autre proposition qui m’avoit été faite ; mais toujours projeter ne me convient plus. Je veux jouir entre la nature & moi, du peu de jours qui me restent, sans plus me laisser promener, si je puis, parmi les hommes qui m’ont si mal traité, & plus mal connu. Quoique je ne puisse plus me baisser pour herboriser, je ne puis renoncer aux plantes, je les observe avec plus de plaisir que jamais. Je ne vous dis point de m’envoyer les vôtres, parce que j’espère que vous les apporterez ; ce moment, cher Moultou, me sera bien doux. Adieu, je vous embrasse ; partagez tous les sentimens de mon cœur avec votre digne moitié, & recevez l’un & l’autre les respects de la mienne. Elle va rester à plaindre. C’est bien malgré elle, c’est bien malgré nous, qu’elle & moi n’avons pu remplir de grands devoirs. Mais elle en a rempli de bien respectables.